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L’attrait des médecins généralistes pour le salariat, symptôme de la crise de l’exercice libéral

Dominique Bontoux a pris un « virage », et pas seulement géographique : en quittant le sud de la France pour venir s’installer à Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire), cette médecin généraliste a aussi tourné le dos à vingt ans d’exercice en libéral pour se laisser tenter par la pratique salariée, en plein désert médical, dans un centre de santé. « Un jour de 2018, j’ai trouvé une brochure dans ma boîte aux lettres, le département de Saône-et-Loire battait le rappel à la recherche de généralistes, en mettant le paquet pour les faire venir… » Horaires et salaire fixes, travail en équipe, secrétariat médical… Ce qui est proposé, sur le papier, lui « parle » et résonne avec un quotidien de plus en plus « harassant ».
Mais c’est le fait d’être elle-même tombée malade qui emporte sa décision. « En libéral, je faisais bien plus qu’un temps plein ; désormais, j’allais avoir la possibilité de travailler à temps partiel. Avant, je commençais à 8 heures, sans savoir quand la journée prendrait fin ; j’étais sans cesse dérangée par les coups de fil, l’administratif, la comptabilité… Comme salariée, j’allais pouvoir être déchargée de ces tâches, et me concentrer sur mon cœur de métier : les patients. Sans ça, c’est simple, confie-t-elle, je n’aurais jamais repris le travail. »
Léa Schleck a, elle, « tout changé sans bouger » : c’est dans les murs de son cabinet à Labry (Meurthe-et-Moselle) où elle exerçait, seule, depuis déjà trois ans, que cette généraliste a mené à bien l’ouverture d’un centre de santé, en 2022. Avec, pour « déclencheur », dit-elle, la crise du Covid-19. « J’ai toujours été mal à l’aise avec l’idée que le lieu de soin, la table d’examen, le matériel appartiennent au médecin, rapporte la trentenaire. Pour moi qui n’ai jamais été portée par la dynamique libérale, qui n’ai pas l’âme d’une cheffe d’entreprise, le lieu de soin appartient d’abord aux patients. »
Les 1 600 habitants du village y ont gagné au change. Trois généralistes peuvent désormais les recevoir, ainsi que deux infirmières et deux assistants médicaux salariés, comme Léa Schleck, par la mairie. Elle-même s’est sortie d’une « gestion logistique exponentielle » et d’un sentiment croissant d’« isolement ».
Ce choix relève-t-il pour les deux médecins d’une réaction à la crise de l’exercice libéral, à la « dévalorisation » dénoncée par leurs confrères libéraux, dont les organisations représentatives sont en pleine renégociation de leurs conditions d’exercice et de rémunération avec l’Assurance-maladie ? L’une comme l’autre se refusent à « opposer » un modèle à un autre. « C’est aussi le symptôme d’un changement plus global, répond la docteure Schleck, d’un nouveau rapport au métier. »
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